Ardente gymnastique

décembre 29, 2011 § Poster un commentaire

C’était la dernière occasion de voir la troupe de Merce Cunningham à Paris, à la Ville le 22 décembre dernier, j’y étais, pour le triptyque Duets / Rainforest / Biped. Trois pièces dont l’intensité va croissante, la musique étoffant l’émotion dans Biped, qui était presque absente de « l’ardente gymnastique » (la superbe définition de la danse par Cunningham) de Duets.

Pourtant, c’est cette première pièce, très formelle, expérimentale succession de combinaisons en duos, qui reste en mémoire après le spectacle. Le travail systématique, auto-signifiant (je veux dire que la danse de Cunningham ne signifie « que » le danse), des corps des danseurs semble réveiller notre propre corps, qui n’a plus que les yeux pour danser.

La façon dont nous occupons l’espace est un pouvoir délaissé. Nos corps sont radicalement sous-employés, et le sont toujours plus à mesure que nous perdons le temps et l’espace de les mouvoir. Qui use de sa capacité à tendre la jambe sur le côté? de cambrer le dos? de mettre les bras en couronne, ou en croix? Si peu, que nombre de gens n’en sont pas capables. Est-ce une perte? Comme de toute liberté perdue, elle ne laisse pas de vide, un simple mélancolie, que le spectacle des corps (des autres) dansant réveille.

Dada au pays des vieilles bigotes

avril 30, 2011 § Poster un commentaire

«Il ne reste que des places à 8 euros, sans AUCUNE visibilité!», voilà ce qu’on s’entend dire à la billetterie de l’Opéra Garnier. Grâce aux revendeurs de dernière minute, on a quand même une place, à 40 euros — pas encore suffisant pour voir toute la scène, mais on a l’essentiel.
Mats Ek attire donc les foules, pour ses deux pièces: La Maison de Bernarda, inspirée de la pièce de Federico Garcia Llorca et Une sorte de… inspiré par…
Deux pièces qui n’ont à peu près rien à voir à part de mettre en difficulté les danseurs de l’Opéra, qui s’en sortent, évidemment avec grâce, avec des mouvements très originaux, cassés, pliés, sauts spectaculaires. La Maison de Bernarda, très narratif et lyrique, musique mêlant Bach et guitares espagnoles, met en scène l’obsession d’une vieille veuve (jouée par un danseur, saisissant) enfermant ses cinq filles et la servante qui va les initier à la sensualité. C’est tout simplement sublime, drôle (la scène du bénédicité hurlé à table!!) et émouvant. Bémol pour les décors, mais on se rattrape dans la deuxième pièce,
Quant à Une sorte de…, comme son titre le laisse deviner, c’est un indescriptible jeu dadaiste, joyeux et dynamique, sur le genre et les rapports hommes femmes. Enthousiasmant!

Sin peso

avril 23, 2011 § Poster un commentaire

«Pina, un film pour Pina Bausch» de Wim Wanders

Je cite de mémoire, c’est une danseuse brésilienne, très belle et vive. Elle s’élance pieds nus dans l’herbe, monte sur une chaise et se laisse basculer dans le vide. On entend un cri flottant, une fusée joyeuse. En voix off, la danseuse déclare avoir voulu offrir à Pina un moment de légèrement, sin peso. Et elle repart en courant. Quelques scènes plus tard, sur scène, c’est une autre qui se précipite et est attrappée au vol par ses partenaires; une autre, entravée par une corde, se rue hors de sa cage; ailleurs, une des plus belles scènes, un danseur se jette dans les bras d’un autre, un geste spectaculaire et, en ce qui me concerne, bouleversant… (voir la bande annonce, magnifique).

La danse de Pina parle de la fuite en avant, d’une course effrénée parfois rattrapée par le contact de l’humanité, parfois désespérément suicidaire.

Le film de Wim Wanders donne une dimension supplémentaire à ce langage si puissant en le faisant sortir du monde étroit de la scène. En tournant dans des décors extérieures, souvent éblouissants, il a trouvé une formule pour filmer l’oeuvre de Pina dont on ne se lasse pas (j’espère même que le DVD contiendra des rush supplémentaires!). On ne peut pas en dire autant de la 3D, indispensables à en croire le réalisateur mais qui apporte très peu (hormis un mal de nez et d’oreilles à cause de ces lunettes idiotes!)… et qui nous a privé de la participation de Pina elle-même au film, puisqu’elle est morte au début du tournage.

La Bande Originale (très branchée Jun Miyake) nous accompagnera en attendant le passage de la troupe de Wuppertal au théâtre de la Ville (en juillet prochain) et la reprise de Orphée et Euridice à l’Opéra Garnier en 2012.

Où suis-je ?

Catégorie Danse sur Livresse.